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A mes ancêtres, mes aïeules, toutes ces mères

Celles que vous avez été dans le froid, le drame et la misère.
Vous que je n’ai pas connues.
Dont le nom et la mémoire ont été oubliés.
Vous dont je n’avais jamais entendu parler.
Mais dont le malheur s’était cristallisé quelque part.

Le temps est passé sur vos tombes et vos histoires. Les saisons et les années ont défilé. Les fleurs ont cessé d’être déposées.
Les prières d’être envoyées.
Mais ni le vent, ni la pluie ont effacé votre nom sur la pierre. Ce que vous avez vécu. Les traces que dans nos ventres vous avez laissées.

Un an que je vous vois en rêve. Que vos prénoms m’habitent. Que je cherche les dates.
Un an que je pose des questions. Que je recherche. Obsédée. Hantée. Par ce qu’il vous est arrivé.
Un an que je rassemble. Que je laisse remonter à la surface ce qui est tombé dans l’ombre. Que j’ose entendre ce qu’il s’est passé. Que je trouve le courage de casser le mythe pour découvrir la vérité.
Un an que je revis les pertes, les souffrances et les regrets.
Un an que je vis dans le passé.

Vos présences ont été si fortes. Si précieuses. Pour la première fois je comprenais d’où je venais. Quelle était mon histoire. Mes origines. Comment une fleur peut-elle pousser sans connaître ses racines?

Je comprends aujourd’hui pourquoi je n’ai jamais voulu revenir ici, sur ces terres qui vous ont vues naître. Qui ont essuyé votre malheur. Qui porte le traumatisme. Je comprends pourquoi vos noms ont été effacées. Tant vos histoires devaient être oubliées.

A vos côtés j’ai appris. J’ai compris. Je me suis sentie infiniment soutenue et protégée. Je n’étais pas seule. Car vous m’avez guidée à chaque pas vers notre liberté.

Il est venu le temps pour moi de vous laisser partir. De prendre mon envol. De laisser se diluer vos histoires pour pouvoir écrire la mienne.

Puissiez-vous vous libérer du poids que vous avez porté.
Puissiez-vous vous pardonner.
Puisse l’amour éternel d’une mère remplacer votre souffrance.
Puissions-nous être libres.
Et laisser la lumière entrer par la faille que l’espoir a toujours laissé.

Infinie gratitude à la femme merveilleuse qui m’a accompagnée sur ce chemin de libération. Aux personnes de ma famille que j’ai pu questionner. A la magie de la vie qui m’a amenée à chaque instant les sources, les informations et les personnes que je recherchais.

Et à ma maman, pour m’avoir tenue la main cette semaine alors que je venais au bout de cette mission. Probablement la plus belle, la plus profonde et la plus précieuse qu’il m’ait été donné de mener.