Maternité

Ce soir j’ai eu envie d’écrire.

Peut-être pour me prouver que j’en étais encore capable. Qu’il restait encore un peu de substance à l’intérieur de moi.
Ce soir, elle s’est agitée avant de s’endormir. J’ai murmuré dans son oreille. J’ai caressé son crâne. Je lui ai offert ma présence. Ma vraie présence. Je lui ai dit en silence que tout irait bien, que j’étais là, qu’elle était en sécurité.
Parfois je n’y arrive pas. À être présente. Je suis happée par ma tête, ma frustration de manquer d’espace, ma tentative d’être avec elle et de faire autre chose en même temps. Et quand je fais ça je m’en veux. Je m’en veux de ne pas faire assez, alors que je fais tout. Je m’en veux de ne pas donner plus, alors que je donne tout.
Ce soir elle s’est endormie. Et puis je vous écris. Peut-être pour me prouver que je peux encore faire ce que j’aimais faire avant elle. Ce que je savais faire avant de ne m’occuper plus que d’elle.
C’est vrai que je ne sais plus trop qui je suis. Que j’ai tout mis de côté. Que je ne prends plus de temps pour ce qui me faisait vibrer, que je ne sais pas trop où je vais. Mais je sais que je suis en train de guérir quelque chose. Que ces gestes, cette patience, cette présence envers elle. Ce temps que je lui offre. Ce souffle sur son duvet quand elle transpire. Cette douceur dans ma voix, jour et nuit. C’est pour la petite fille que j’ai été.
Je sais que mon bébé est venue pour me réparer. Que je m’occupe d’elle pour me réparer moi. Réparer la douleur que je pensais apaisée mais que la maternité a refait exploser. Celle d’une enfance qui a beaucoup blessé.
Alors tant pis si je suis fatiguée. Tant pis si je me perds pour le moment. Tant pis si j’oublie tout, si j’oublie un peu ma vie aussi. Parce que je touche à quelque chose que je pensais inaccessible, à quelque chose de bien plus grand que tout le reste; un amour, que je découvre, qui balaie tout, qui répare tout, que je me surprends à ressentir. L’amour pour mon bébé. Oui, bien-sûr. Mais surtout l’amour pour la personne que j’ai été. Et je crois peut-être un peu aussi, pour la mère que je deviens aujourd’hui.