Maternité

J’ai vu mon corps s’arrondir.

9 mois. J’ai posé mes mains sur mon ventre. J’ai fait ce geste mille fois en imaginant qu’elle était là. Parfois je le fais encore, par habitude, par désir peut-être que la vie s’invite une nouvelle fois. J’ai aimé le voir se transformer ce corps. Le voir prendre de la place. Tout s’est arrondi, la peau s’est craquée, les seins se sont déformés. Et quand elle est sortie il n’était qu’une enveloppe vide. Abîmée par ce qu’il venait d’endurer. Pendant 9 mois il lui a tout donné pour qu’elle survive. On n’en parle pas de ce corps vide, de ce ventre mou, encore gonflé des mois après, comme s’il portait encore la vie. Il fait peur, il fait honte. Personne ne veut le regarder. On désire passer à autre chose. Au corps d’avant parfois. Alors que ce corps-là vient de faire un exploit. Je me souviendrai toujours de la sensation de ce ventre vide. Des larmes chaudes qui ont coulé sur lui. Elle dans mes bras, mon ventre qui ne comprenait pas. Moi j’ai compris qu’elle ne m’appartenait pas. Que plus jamais nous ne ferions une. Qu’elle allait grandir, que je ne pourrai pas toujours la protéger comme mon corps l’a fait. J’ai aimé la sentir dans mon ventre. Tellement. Plus que ce que je n’aurais imaginé. Malgré les douleurs, malgré les peurs de la perdre, malgré les nausées. Ces sensations, ces mémoires sont marquées dans ma chair. Jamais je n’oublierai. Ce que mon corps a fait en la portant, en la nourrissant au dedans, en la créant centimètre après centimètre. Ce que le corps des mères fait est un exploit. Ce que nos corps de mères font est un exploit. Et j’ai tant de respect. Aujourd’hui j’ai tant d’amour pour lui. Parce qu’il m’a donné le plus beau cadeau. Son regard à elle. Ce regard sur moi. Qui me dit chaque jour que mon corps est ce qu’elle a de plus précieux. Quand elle réclame à se blottir, quand elle cherche mon sein, quand elle tend les bras. Pour une personne sur cette terre mon corps est ce qu’il y a de plus précieux. Mon corps est sa maison, mon corps est tout ce qu’elle a connu, mon corps est sa sécurité. Alors oui, ce regard, son regard à elle, m’a appris à l’aimer.