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Mon corps sur la Terre

Prier la Mère.
Lui demander de l’aide.
Contre elle reprendre mon souffle.
Grelotter.
En ce matin d’hiver.
Et pourtant sentir sa chaleur.
Celle d’un cœur qui bat.

Cela a commencé dans la forêt. Il y a des années. J’ai entendu une voix. Ou plutôt un murmure. Était-ce une illusion, mon imagination?
Puis je suis rentrée. Le béton a remplacé ses branches. Le bruit de mes pensées, son souffle dans les feuilles.
J’ai oublié. J’ai avancé. Amputée de quelque chose. D’un sens avec lequel je suis née.

Puis l’appel est revenu. Est devenu plus fort. Le souffle s’est transformé en vent. Ses caresses en tremblement. Petit à petit. J’ai renoué avec elle.
La voix s’est faite entendre. Plus claire. Comme si une femme sans âge se tenait derrière. Elle m’a dit de retourner dans la forêt. De la retrouver. À cet endroit qui des années plus tôt m’a guérie et transformée.
M’engager auprès d’elle. Ne plus me mentir. Ne plus couvrir sa voix. Cet être si vaste que nous appelons notre maison retrouve toujours son chemin vers moi.

Je me suis recueillie dans son ventre. Dans le noir et la chaleur. J’ai eu peur mais elle était là. Dans la hutte, elle m’a secouée. Chamboulée. Mais elle m’a permis de renaître à moi. Elle m’a dit de verser mes larmes sur son corps pour fertiliser ses graines. Elle m’a rappelé mon chemin de femme à son service, prêtresse de la Terre. Elle m’a dit comment faire. Comment prier. Comment demander. Comment me rebrancher. Elle m’a dit de lui parler à voix haute. De renifler son odeur. De poser mon sexe sur elle. Elle m’a dit de ne plus avoir peur. Que les éléments étaient mes alliés. Qu’il y avait un esprit dans chaque pierre. Pour m’accompagner. Et qu’en fait il n’y avait rien à faire. Parce que ce chemin, malgré l’inconscience et l’ignorance, je l’ai toujours marché.

Dans quelques semaines je traverserai l’océan pour la retrouver, continuer d’apprendre à entendre auprès d’elle et me retirer dans la forêt. En attendant je serai peut-être un peu moins présente ici. Mais reliée à vous plus que jamais.