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Pardonne-moi Mère

J’avance sur la route. La Terre m’accueille. Elle me regarde. Me souhaite la bienvenue. Elle est douce. Telle une mère.
Je me souviens de ses caresses, de ses mots tendres. Elle m’attendait. En fait elle a toujours été là. Elle me connaît. Mieux que moi. Elle me voit dans tout ce que je suis. Dans ce que j’essaie de toutes mes forces de cacher. Et par dessus tout, elle sait.

À mesure que j’avance ses bras s’ouvrent. Elle m’attire vers elle. Contre son ventre. J’entends son cœur battre. Peut-être que c’est le mien. La pulsation éveille quelque chose en moi. Une mémoire ancienne. Celle de la vie qui se souvient. Je sens son souffle. Cette brise sucrée, délicate, délicieuse. Qui après l’apnée semble pouvoir me ramener à la vie. Elle remplit mon torse, mon cœur, mon ventre. Non, je ne mourrai pas ce soir.
Le feu est là. Des têtes de mort dansent dans la braise. Et me rappelle que la mort n’est plus mon ennemi. Elle n’est que le double de la vie.

Je regarde les montagnes. Elles me rappellent combien je suis infime. Une poussière d’étoile dans la maison de l’infini. Comment ai-je pu oublier? Que tu étais là. Moi, ignorante dans ma solitude et dans ma douleur. Telle une étrangère qui cherchait depuis toujours à appartenir.

Aujourd’hui tu me reçois. Je sens ta force. Celle que tu me donnes. Celle qui te permet de te résilier à tout ce que nous te faisons subir. Et à nous aimer malgré notre ignorance et malgré tes blessures.

Y-a-t-il plus fort qu’une mère? Il est un pays et il fut un temps où lorsqu’une mère mourrait en donnant la vie, elle reposait parmi les guerriers pour l’éternité.

Alors parce que tu m’y invites, j’avance. Je respire. Doucement. Comme si chaque goutte de ton air était une surprise. Tu me souffles que c’est dans ton immobilité et ton silence que j’apprendrai à recevoir. Mes larmes coulent. C’est le signe que mon cœur s’ouvre. Il n’y a qu’un chemin. Celui qui me ramène à toi.
Pardonne-moi Mère.

Tepotzlan, Mexico, le 15 février