Maternité

Ce soir j’ai calculé. Ça fait 257 jours que mon bébé est né.

Je l’ai porté dans mon ventre 9 mois et 2 semaines.
Ça fait 8 mois et 16 jours que je la porte jour et nuit contre moi.
Ça fait 551 jours qu’elle existe dans la matière, qu’elle est une extension de mon corps.
Avant de la porter, je l’ai rêvée, imaginée, espérée, attendue pendant 2 ans. Ça fait donc tout ce temps qu’elle existe quelque part.

Longtemps je n’ai pas voulue être mère. Je me croyais trop égoïste ou trop blessée. Et puis un jour son esprit est venu me visiter. Et j’ai compris que c’était elle qui décidait que je serai mère.
Et chaque fois que j’ai l’impression de mal faire. Chaque fois que son père et moi on se dispute, que je crie, que je perds patience, que je me mets en colère. Chaque fois que j’ai peur de répéter le même schéma, le même passé, de faire les mêmes erreurs, d’être trop « fucked up ». Je la regarde qui me regarde. Et dans son regard je vois tout l’amour qu’elle a pour moi.

Un jour ma sœur m’a dit; ton bébé t’aime exactement comme tu es parce que ton bébé t’a choisie.
Il y a quelqu’un sur cette Terre qui m’a choisie. Qui a choisi ce ventre que j’ai haï. Qui a choisi ce corps que je n’ai pas respecté. Et au creux de lui, elle a choisi de prendre vie. Elle a grandi dans ma chair. Elle a partagé mes eaux, mon sang. Il y a quelqu’un qui m’a choisie pour être le canal par lequel passer, pour accomplir sa mission, quelle qu’elle soit, sur terre. Pour s’occuper d’elle, la nourrir, la bercer, être ses racines, ses origines, sa sécurité. Il y a une âme qui depuis le ciel a vu exactement qui j’étais, dans mes ombres, dans mes souffrances, dans mes lumières. Et qui a choisi mon histoire pour s’incarner.

J’ai du mal avec le mot maman. Je trouve que dans ma bouche ça sonne faux. Quand je lui dis “maman” j’ai l’impression que je lui parle de quelqu’un d’autre. Pourtant avec ses grands yeux c’est bien moi qu’elle regarde. Et à elle, je ne peux rien cacher. Parce que ma fille me voit. Elle me sent. Elle sent tout. Quand je lui chante une chanson pour l’occuper alors que j’essaie de faire autre chose.

Quand je mets un masque de sourire alors qu’au dedans j’ai envie de pleurer. Et quoi que je fasse, elle me fait confiance. Elle me tend les bras. Elle se donne toute entière à moi. Elle ne questionne pas. Elle m’accepte comme je suis parce qu’elle m’a choisie. Alors je pourrais vous parler de l’amour indescriptible que je ressens pour elle, cet amour que je ne parviens pas à nommer tant il me dépasse. Mais j’ai envie de vous parler de cet amour-là, celui que je vois chaque fois qu’elle pose le regard sur moi. Celui qui m’apprend à nouveau à m’aimer moi, à m’accepter comme je suis. Et qui je peux le dire, un jour, a tout changé dans ma vie.